
La cathédrale de Cahors. (©La vie quercynoise)
Tout un florilège d’animations va se mettre en place pour fêter l’événement : voilà 900 ans que la dame de pierres règne sur Cahors et le cœur des Lotois.
Au cœur de la ville, le plus ancien édifice religieux est un résumé de l’histoire locale.
Premier et plus vaste édifice français à coupoles, c’est un pape lui-même qui vient l’inaugurer, Calixte II. Ce français, archevêque de Vienne en Dauphiné, est élu pape à l’abbaye de Cluny le 1er février 1119. Avant de se rendre à Rome, il fait un pèlerinage au Puy-en-Velay, consacre un autel à la basilique Saint-Sernin et de retour du Concile de Toulouse, consacre le 27 juillet 1119, l’autel majeur de la cathédrale Saint-Etienne (même si celle-ci ne sera achevée que 15 ans plus tard).
Avant de quitter la France, le pontife franc-comtois, inspirateur du pèlerinage de saint Jacques de Compostelle, tient à venir bénir l’autel en l’honneur de la Sainte Coiffe qui a enveloppé la tête du Christ après sa mort. Laquelle aurait été offerte par Charlemagne à l’évêque de Cahors Géraud de Cardaillac, lors d’un voyage en Terre Sainte vers 1100.
Ce sera grâce à la ferveur provoquée par l’arrivée de ce reliquaire venant de Jérusalem que les travaux de la cathédrale vont progresser et vite : les dons affluent !
Au XIIe siècle, le Quercy voit s’affirmer le rôle de l’Église. Les campagnes se couvrent d’un manteau d’églises et de chapelles votives (près de 700) autour de bourgs ruraux qui ne comprennent que quelques dizaines d’habitants. C’est à cette époque que le sanctuaire et le pèlerinage de Rocamadour prennent leur essor. Cahors, forte de son emplacement géographique, de la puissance et de la volonté des évêques qui y règnent, se reconstruit et prend de l’importance. Un chantier de cathédrale, au Moyen Âge, témoigne de l’expansion économique et culturelle de la cité. Celle-ci devient dynamique et fortement créatrice portée par une culture et des mentalités nouvelles.
Une riche ville, fidèle au roi jusqu’en 1540
Pôle artisanal et industriel dynamique, Cahors devient, avec l’arrivée des banquiers lombards, une place financière de première influence dans l’Europe d’alors.
C’est vrai qu’à cette période, la ville bénéficie de la largesse du pape Jean XXII, un Cadurcien élu pape en 1316. Ce pape d’Avignon s’est beaucoup soucié de sa ville natale.
Autour de la cathédrale, il fonde une université qui est plus florissante que celle de Toulouse et qui fonctionnera jusqu’en 1751. On peut considérer qu’il s’agit là de l’apogée d’une cité qui va très vite plonger dans les affaires de la guerre de Cent ans. Celle-ci se traduit par des destructions liées aux combats mais surtout par une grave crise économique et démographique. Cahors perd la moitié de ses habitants. Sans oublier la peste qui frappe épisodiquement la région.
Aucune emprise des siècles
Après quelques décennies de paix, la Réforme pénètre vers 1540 dans les rues de la ville.
Très rapidement, la population se trouve divisée.
En 1560, des Protestants sont massacrés rue des Soubirous. Vingt ans plus tard, la cité est assiégée par les Huguenots conduits par Henri de Navarre. C’est la 7e guerre de religion. L’assaut dure trois jours et se termine par le pillage de Cahors. Cette victoire quercynoise contribuera énormément au prestige du futur Henri IV.
« La friandise du grand nombre de reliques dedans Cahors fut la principale occasion de l’entreprise » note le mémorialiste P. de L’Estoule. Le reliquaire de la cathédrale est volé par les protestants. Mais il sera providentiellement sauvé et rendu au Chapitre.
Les siècles semblent n’avoir aucune emprise sur la grande dame aux deux coupoles. Car ce symbole spirituel est le théâtre de l’histoire du Quercy, le grand livre de notre histoire régionale.
Du futur pape Jean XXII, ici archiprêtre, à Léon Gambetta, qui enfant « dissipé et espiègle, au talent remarquable et à l’intelligence très développée » fréquenta la cathédrale avant d’entrer pensionnaire au séminaire de Montfaucon en 1849.
Ce symbole spirituel est le théâtre de l’histoire du Quercy
Sans oublier l’influent Clément Marot, poète de François Ier et de Marguerite de Navarre qui dès son jeune âge, s’est imprégné de l’esprit français. Ou le philosophe Fénelon arrivé en 1663 chez les jésuites de Cahors, ville qui récolte alors les fruits de l’épiscopat de Mgr de Solminihac. Lui-même s’éteint, épuisé, à Mercuès quatre ans plus tôt, après 22 ans de travail acharné.
Saint-Etienne vibre avec tous ces Grands du Quercy mais aussi tout le peuple Lotois et s’associe à ses joies, à ses peines, à ses deuils.
Un lieu au fort symbole d’aspiration à la spiritualité
Le monument au cœur de la ville en a façonné l’urbanisme, et les Cadurciens y sont très attachés, même s’ils ne sont pas catholiques. La dimension sacrée du lieu frôle l’esprit du visiteur, emplit l’âme du pèlerin qui chemine vers Compostelle.
La foi qui cimente ses pierres participe-t-elle à garder son magnétisme intact ? Franchir son porche, c’est goûter à l’Au-delà. Jeux d’orgue, pénombre mystique trouée par la lumière des verrières. Depuis sept ans, des vitraux contemporains par un procédé de juxtapositions, surprennent le visiteur. Son créateur, Gérard Collin-Thiébaut a choisi chevauchement d’images et jeux de couleurs saluant une foi vibrante. Nous sommes invités à nous débrouiller en imaginant, en comparant. À cinq mètres de hauteur, reconnaissons le martyr du saint patron de la cathédrale entourant Ezechiel, Jonas et Isaïe. Par un regard attentif, voici que « la lumière se fait aussi en nous, lumière qui fait reculer les ténèbres de notre indifférence, de notre égoïsme, lumière des siècles de foi transmise par l’Église, lumière de l’Évangile qui illumine toute vie. »
En effet, ce fabuleux patrimoine n’est pas seulement de pierre et de verre. Il est aussi de feu. Celui de la ferveur des fidèles. N’oublions pas le but ultime de cet édifice : c’est Dieu qui en est le ciment.
Car, « la cathédrale n’est pas qu’un monument historique » rappelle la Conférence des évêques de France. Elle « est la maison où se réunit le peuple de Dieu, sous la présidence de l’évêque, chef du diocèse ».
Ce diocèse, l’un des plus anciens de France, a été créé en 258, avec à sa tête saint Génulphe. C’est pourquoi la cathèdre et l’autel sont les deux pôles majeurs de l’édifice, qui doit être pensé non comme un monument mais comme un lieu d’assemblée chrétienne.
La cathédrale de Cahors, monument inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO au titre des chemins de Saint Jacques, est un écrin de pierres vivantes, un trésor d’humanité.
Que sa beauté offre aux visiteurs émerveillés de nouvelles raisons d’espérer.
ANDRÉ DÉCUP