
Jean-Luc Moudenc, le maire de Toulouse, était reçu à l’Elysée, lundi 10 décembre 2018, en compagnie des présidents d’assemblée parlementaires, de douze ministre, de représentants des collectivités locales et des partenaires sociaux. (©Archives Actu Toulouse / G.L.)
Au titre de son mandat de président de France Urbaine, l’association des métropoles et agglomérations de France, le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc était l’un des 24 invités de la consultation menée par Emmanuel Macron, lundi 10 décembre 2018, dans le cadre de la crise des Gilets jaunes.
« Une réunion très dense de plus de 4 heures », détaille Jean-Luc Moudenc, que le président de la République a souhaité afin son allocution télévisée à 20 heures. Interview.
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« Fonder un nouveau contrat social »
Actu Toulouse : Dans quel état d’esprit se trouve Emmanuel Macron ?
Jean-Luc Moudenc : « Le président de la République est conscient de la difficulté de l’exercice. Il doit répondre à un mouvement dont les expressions sont très diverses, foisonnantes, parfois même contradictoires. Il est par ailleurs le fait de décisions conjoncturelles qu’il faut lui imputer et qu’il doit assumer, mais également des problèmes non réglés depuis des décennies. C’est donc difficile pour lui ».
Que va-t-il dire aux Français ?
J.-L.M. : « Cette réunion était une consultation. Il ne nous a pas dévoilé la teneur de son intervention. Dans sa conclusion générale, il a exprimé le désir d’apporter des réponses immédiates, mais également de tracer des perspectives à moyen et long termes ».
Que lui avez-vous suggérer de votre côté ?
J.-L.M. : « J’ai invité le président à fonder un nouveau contrat social. C’est un projet de moyen terme qui ne saurait l’exempter d’agir par contre tout de suite sur deux points : le rétablissement de l’ordre républicain – car nous venons de vivre des épisodes insupportables qui doivent cesser – et la prise de mesures franches d’apaisement social.
Pour réussir tout cela, j’ai conseillé au président de Macron de surprendre !
Il doit être le président de la France des « petites gens »
Ce nouveau contrat social, comment le définiriez-vous si vous étiez à sa place ? Pour surprendre justement !
J.-L.M. : « Ce fut le sens de mon intervention. D’abord, il faut provoquer un nouvel acte de décentralisation. L’État doit encore davantage s’appuyer sur les collectivités territoriales. Cela passera par une meilleure capacité à contrôler le zèle de certaines administrations centrales, arrêter de vouloir prendre toutes les décisions à Paris, et créer des liens de confiance entre les territoires, ruraux et urbains notamment.
J’ai aussi dit à Emmanuel Macron qu’il devait être le président de la France des « petites gens » en considérant davantage les salariés modestes, les retraités et les petits commerçants indépendants.
Comment aider les salariés les plus modestes ?
J.-L.M. : Il doit prendre trois mesures d’urgence : le retour à la défiscalisation des heures supplémentaires, l’allègement des charges pour favoriser une progression du salaire net et l’annulation de la baisse des APL.
Au-delà de cela, je crois qu’Emmanuel Macron doit faire un geste pour contrer l’accusation d’être le « président des riches ».
Plutôt que revenir à un Impôt sur la fortune (ISF), je suggère de créer une contribution fiscale des plus riches à la transition énergétique. En clair : les plus riches doivent favoriser la transition énergétique des plus modestes. La condition est que cette contribution soit intégralement affectée à l’énergie. Je déplore que depuis trop longtemps la fiscalité énergétique soit presque intégralement reversée au budget général. En définitive, seule une petite partie est affectée à la transition énergétique et à la mobilité ».
« Une responsabilité collective dans les maux du pays »
Emmanuel Macron peut-il encore inverser la vapeur ?
J.-L.M. : « Il le faut. Et nous devons l’y aider !
La démonstration est faite que Jupiter ne peut pas tout. il serait paradoxal de dire désormais qu’il peut tout régler. Les problèmes sont tels qu’il n’en sortira pas seul. Toutes les personnalités présentes aujourd’hui à l’Élysée, des représentants des collectivités aux présidents de chambres parlementaires, en passant par les partenaires sociaux, savent qu’il ne s’en sortira pas sans nous et que nous ne nous en sortirons pas sans lui.
Aujourd’hui, il porte tout sur ses épaules, mais il y a une responsabilité collective dans les maux du pays.
Si nous ne réussissons pas, c’est la porte ouverte aux extrêmes. Personne ne doit plaider pour cela ».
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